Étapes de développement des compétences écrites

La langue française compte 26 lettres, 36 phonèmes (des unités orales, des sons isolés) et 130 graphèmes (des unités écrites). Lorsque l’enfant apprend à parler, il apprend à utiliser les phonèmes et à les lier entre eux dans des mots et dans des phrases : c’est ce qui relève du langage oral. Les graphèmes, quant à eux, sont des unités écrites qui correspondent à un son. Il existe des graphèmes simples, pour lesquels une lettre correspond à une unité écrite. Par exemple, la lettre D correspond au graphème « d ». Il existe également des graphèmes complexes, qui associent plusieurs lettres pour donner une unité écrite. Par exemple, les lettres E, A et U donnent le graphème « eau ».

L’apprentissage du langage écrit est découpé en deux activités : la lecture et l’écriture. La lecture consiste à associer les graphèmes aux phonèmes. Par exemple, l’enfant apprend que le graphème « eau » correspond au phonème « o ». L’écriture implique deux compétences. La première est la capacité à réaliser les gestes graphiques pour dessiner et écrire : c’est ce qu’on appelle le graphisme. La deuxième consiste à associer les phonèmes aux graphèmes et relève donc de l’apprentissage de l’orthographe pour écrire les mots.

Pour garantir une meilleure lisibilité de la page, les symboles phonétiques ne sont pas utilisés. À la place, les sons sont « retranscrits » avec les lettres de l’alphabet.

Il n’existe pas de consensus scientifique absolu sur le développement des compétences en fonction de l’âge. Les âges indiqués sont des repères approximatifs issus de moyennes, mais chaque enfant développe ses compétences de manière différente.

Les prérequis au développement des compétences écrites

Pour apprendre à lire et à écrire, l’élève doit être doué de capacités intellectuelles basiques, en cohérence avec celles attendues pour son âge. Ces compétences sont nécessaires à tous les types d’apprentissage en général. Il doit pouvoir faire preuve d’attention, être capable de se concentrer, avoir des compétences en planification (c’est-à-dire réfléchir préalablement pour déterminer, avant de faire une action, ce qu’il faut faire, comment le faire et dans quel ordre), et une certaine flexibilité mentale pour changer d’idée quand cela est nécessaire. Enfin, il lui faut des compétences visuospatiales : il est utile que l’élève ait une bonne vision, qu’il puisse s’orienter dans l’espace, percevoir les objets qui l’entourent et s’adapter à l’organisation de son environnement.

De plus, les aspects émotionnels et affectifs jouent un rôle crucial dans le processus d’apprentissage. Les élèves doivent se sentir encouragés et soutenus lorsqu’ils apprennent à lire et écrire.

L’apprentissage de la lecture requiert également des habiletés spécifiques au langage écrit. Autrement dit, l’enfant doit connaître certaines normes de l’écriture française :

  • Le sens de l’écriture (de gauche à droite) ;
  • La manipulation des livres et leur structuration : identifier la 1re et la 4e de couverture, tourner les pages dans le bon sens, lire dans le bon ordre… ;
  • Le nom des différentes unités langagières (lettre, syllabe, mot, etc.) et les relations entre elles.

Cet apprentissage implique une compréhension du rôle de l’écriture dans la transmission de l’information.

 

Les habilités phonologiques

Pour apprendre à lire et à écrire, l’enfant doit développer des habiletés phonologiques qui concernent les sons de la parole. Toutes ces habiletés doivent être acquises entre 5 et 6 ans.

Les habiletés phonologiques

La conscience phonologique

Elle désigne la capacité à identifier, analyser et manipuler volontairement les éléments sonores du langage. Elle se décline en trois compétences :

  • La reconnaissance des rimes : elle passe souvent par les comptines, qui permettent par exemple de faire constater aux jeunes enfants que « pirouette » et « cacahouète » riment.
  • La conscience des syllabes : les jeux de rébus permettent de constituer des mots. Par exemple, une scie et un tronc vont donner « citron ».
  • La conscience des phonèmes : comprendre que les mots sont des associations de sons. Par exemple, lorsque l’on retire la syllabe finale de « lourd », on obtient « loup ».

La mémoire phonologique à court terme

Il s’agit d’un système de stockage temporaire pour les informations verbales. La mémoire phonologique à court terme joue un rôle crucial dans la mise en correspondance entre graphèmes et phonèmes. C’est un élément clé pour que les élèves comprennent l’écrit. Cette mémoire aide à retenir les sons des mots durant la lecture, ce qui facilite la reconnaissance des mots et la compréhension des textes.

La perception catégorielle de la parole

Cette habileté relève du processus par lequel notre cerveau classe les différents sons de la parole en catégories distinctes. Plutôt que de traiter chaque son de manière isolée, notre cerveau regroupe les sons similaires en catégories, ce qui facilite la compréhension du langage.

 

Par exemple, l’élève va assimiler que les sons [b] de « abeille » et de « banane » sont en fait un seul et même son, même si les deux mots sont prononcés par deux personnes différentes. En même temps, il va distinguer le son [b] de « banane » du son [d] de « panda », même s’ils sont prononcés par la même personne, car il s’agit de deux sons différents.

La capacité de dénomination rapide

La capacité de dénomination rapide consiste à nommer le plus vite possible une série d’images, de lettres, de couleurs ou de chiffres présentés visuellement. Cette activité relève de la vitesse à laquelle un enfant peut accéder à l’information dans sa mémoire et la verbaliser.

 

L’apprentissage de la lecture et de l’écriture

L’apprentissage de la lecture

Les chercheurs ont mis en place un modèle théorique qui permet d’expliquer ce qui se passe dans notre cerveau entre le moment où nous regardons un ensemble de lettres écrites et le moment où nous prononçons à voix haute le mot correspondant à cet ensemble de lettres. Le modèle propose deux voies distinctes : la voie phonologique et la voie lexicale.

 

La voie phonologique

Lorsqu’il apprend à lire, l’enfant assimile au fur et à mesure les correspondances entre les graphèmes (les lettres) et les phonèmes (les sons). Ce processus se réfère à ce que les chercheurs nomment la voie phonologique, également appelée voie d’assemblage, voie non lexicale ou voie sublexicale. Cette voie permet de lire un mot écrit en suivant les règles de correspondance entre les lettres et les sons, ce qui est largement utilisé pendant l’apprentissage initial de la lecture. L’enfant identifie la première lettre du mot, associe le son correspondant selon les règles apprises, et répète cette démarche pour chaque lettre jusqu’à la fin du mot. Cette voie facilite la lecture et l’écriture des mots réguliers, comme « papa ». Une fois que le mot écrit est converti en mot lu, l’enfant peut comprendre le sens du mot, à condition que le mot fasse partie de son vocabulaire.

 

La voie lexicale

La seconde voie est la voie directe, la voie d’adressage ou voie lexicale. Ici, l’enfant reconnait un mot écrit dans son entièreté sans avoir besoin de le décomposer. Pour ce faire, le mot écrit doit être enregistré dans le « stock orthographique d’entrée » de l’enfant, qui doit pouvoir le lier à son « stock phonologique de sortie ». Autrement dit, l’enfant doit à la fois connaître le mot écrit (pour le reconnaître visuellement) et connaître sa prononciation orale. Cette mise en correspondance entre stock orthographique et stock phonologique exige un apprentissage spécifique des mots écrits et des mots oraux. L’enfant doit acquérir du vocabulaire.

L’intérêt de la voie lexicale par rapport à la voie phonologique :

Face au mot écrit « femme », un enfant qui passe par la voie phonologique prononcera sûrement le mot « fème » ou « feume ». Pour lire correctement le mot (le prononcer « fame »), l’enfant doit nécessairement passer par la voie lexicale, donc connaître ce mot, ce qui passe par l’apprentissage du vocabulaire. La voie lexicale étant plus rapide que la voie phonologique, l’enfant augmente sa vitesse de lecture en la privilégiant.

 

Représentation du modèle en cascade à double voie de la reconnaissance visuelle
des mots et de la lecture à haute voix

L’apprentissage de l’orthographe

Les compétences requises pour apprendre l’orthographe sont relativement similaires à celles de la lecture. Comme pour la lecture, l’enfant doit établir des correspondances entre les phonèmes et les graphèmes afin d’écrire les mots réguliers (ceux qui « s’écrivent comme ils se prononcent »). En complément, l’enfant doit apprendre par cœur l’orthographe des mots irréguliers.

Cependant, il est établi que l’apprentissage de l’orthographe est plus compliqué que celui de la lecture. En effet, d’une part, savoir écrire nécessite de se rappeler de chaque graphème (lettre) et de leur ordre pour écrire un mot, ce qui est un processus plus lourd que la lecture pour laquelle il suffit de reconnaître les mots afin de les prononcer. D’autre part, le nombre de graphèmes (130) est nettement supérieur au nombre de phonèmes (36) dans la langue française. Les correspondances du phonème vers le graphème sont plus complexes à apprendre que du graphème vers le phonème, car elles sont beaucoup plus nombreuses. Par exemple, face au son « au », l’enfant apprend qu’il n’y a qu’une prononciation possible. En revanche, si on demande oralement d’écrire « o », l’enfant doit savoir s’il doit le retranscrire en « o », en « au » ou en « eau ».

L’apprentissage de l’orthographe est complété par la grammaire afin de pouvoir écrire des phrases.

 

Le développement du graphisme

Le graphisme désigne les mouvements du bras et de la main qui permettent de tracer une forme. Les compétences graphiques sont nécessaires à l’écriture et au dessin. Pour développer ces compétences, l’enfant a besoin de capacités perspectives (visuelles, auditives, tactiles) et motrices.

Tout comme pour apprendre à lire, des compétences visuospatiales, intellectuelles, d’attention, exécutives et émotionnelles sont nécessaires.

À l’école maternelle, l’enfant débute l’apprentissage de l’écriture. L’enfant commence par reproduire des formes dites préscripturales, qui sont des prérequis pour écrire les lettres : on apprend à l’enfant à tracer des lignes droites verticales, horizontales, en diagonale, des lignes brisées, des lignes ondulées, des boucles, des ponts, des cannes, des arabesques…

Concernant l’apprentissage des lettres majuscules d’imprimerie, l’enfant les maîtrise au fur et à mesure dans un certain ordre :

  • D’abord, les lettres qui ont un trait descendant (I, H, L, E, T, F) ;
  • Puis, celles avec des obliques (M, N, A) ;
  • Ensuite, les lettres courbes (C, O, S) et les lettres obliques qui partent du haut (V, W, X, Y, Z, K) ;
  • Enfin, les lettres qui combinent des courbes et des droites (G, Q, U, J, B, D, R, P).

L’enfant apprend en primaire à manier l’écriture cursive.

 

La compréhension écrite

La compréhension écrite repose sur plusieurs compétences qui évoluent en fonction de l’âge du lecteur. Elle dépend à la fois de la reconnaissance des mots écrits (savoir lire) et de la compréhension orale de ces mots. La reconnaissance d’un mot écrit ne signifie pas forcément que l’enfant comprend le mot. Pour l’enfant qui apprend à lire, la compréhension écrite dépend principalement de ses compétences à reconnaître les mots écrits.

Enseigner la lecture : quelles méthodes ?

Les élèves apprennent à lire au cours du cycle 2 (CP, CE1, CE2 en France, ce qui correspond aux 1re, 2e et 3e années du primaire en Belgique) dont les principaux objectifs sont l’identification des mots écrits et la compréhension de ce qui est lu. Pour atteindre ces objectifs, différentes méthodes d’apprentissage de la lecture ont été débattues.

 

Les méthodes syllabique, globale et mixte

La méthode syllabique est la méthode la plus courante d’un point de vue historique. Elle se concentre sur la découverte des règles de correspondance entre les graphèmes (lettres) et les phonèmes (sons), ainsi que sur la capacité à fusionner ces sons pour former des syllabes et lire des mots de plus en plus complexes. Cette méthode met l’accent sur le déchiffrage comme exercice suffisant pour apprendre à lire.

Au début du 20e siècle, la méthode globale est développée et se concentre plus sur l’accès au sens que sur le déchiffrage. Cependant, cette méthode met de côté les correspondances entre graphèmes et phonèmes, ce qui peut poser problème à certains enfants, par exemple ceux atteints de dyslexie.

  • Les études récentes permettent de montrer que seule la méthode syllabique permet de développer à la fois la voie phonologique et la voie lexicale. La méthode globale oblitère totalement la voie phonologique, ce qui a conduit à sa disparition dans les programmes scolaires.

Actuellement, la méthode mixte, qui intègre les avantages de la méthode syllabique et de la méthode globale, est utilisée. Elle offre donc plusieurs stratégies (le déchiffrage et l’accès au sens) pour identifier les mots. Mais c’est cette diversité des stratégies qui explique qu’elle soit critiquée : l’enfant qui apprend à lire peut s’embrouiller. La méthode syllabique, au contraire, offre deux approches distinctes (synthétique et analytique) pour décoder de nouveaux mots.

 

Les approches synthétique et analytique

L’approche synthétique, considérée comme phonologique, débute par l’apprentissage de chaque correspondance graphème-phonème, puis fusionne ces unités phonologiques pour les lire. Cette approche a comme base les plus petites unités orales (les phonèmes) pour progresser vers des unités plus grandes comme la syllabe ou le mot.

L’approche analytique, qualifiée de syllabique, a comme point d’entrée la syllabe, puis identifie les éléments qui constituent la syllabe (les phonèmes) puis intègre les correspondances entre graphèmes et phonèmes.

Les deux approches sont basées sur le déchiffrage (la méthode syllabique) mais la différence est le point d’entrée à privilégier (le phonème ou la syllabe). La question éducative actuelle est de déterminer laquelle de ces deux approches est la plus pertinente pour apprendre à lire.

Les étapes de développement

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Références